Qui n’a jamais connu cette expérience unique, cette sensation exceptionnelle et vertigineuse, ce moment intergalactique : un échange téléphonique avec le SAV d’un grand groupe afin d’exposer son problème ?
Il y a d’abord, bien évidemment, les process. On peut toujours faire une LR/AR mais comme le monde digital pousse à l’amélioration des services en ligne, on a désormais la possibilité de faire sa réclamation sur le web. Sympa, sauf que dans mon cas il n’y avait pas de mail m’informant que le formulaire rempli avait bien été pris en compte. Va donc pour une LR/AR à côté, on ne sait jamais.
Quelques jours plus tard, un appel. Le SAV en question. Voix douce, sympathique, on m’écoute… on reformule. Je me dis que je suis entre de bonnes mains quand mon interlocutrice m’évoque alors ses process internes ?! Heu… pardon ? Je suis un client qui appelle parce que j’ai un problème… pourquoi me fait-elle part des leurs ? Ah, d’accord, elle m’explique qu’en fait elle ne sait pas trop comment ça va se passer et qui va régler la facture : le garage, la marque ou la garantie. Rassurant non ? Elle va voir de son côté comment faire. Je me dis qu’on va certainement y arriver, c’est mon côté super naïf, du moins je m’abandonne à y croire… car ce n’est que le début de l’histoire avec le SAV (septembre 2015, mais les problèmes techniques ont démarré 6 mois plus tôt !).
Comme vous l’avez compris, c’est un problème mécanique d’une auto de marque française dont on va taire le nom. Il faut dire que le constructeur ne peut tirer absolument aucune gloire dans cette piteuse histoire. Pour la faire courte : deux changements de distribution, changement de l’injection, de la pompe à eau, des faisceaux… et je ne sais trop quoi encore (6 mois de garage au total)… tout ça pour récupérer le véhicule avec le même problème qu’initialement : le moteur de la petite sportive tremble comme une feuille morte (certes c’est léger au début) et bientôt… il ne marchera plus. C’est ce qui s’est déjà produit.
Lui faisant part du retour du problème, le directeur du SAV m’a répondu que l’informatique ne remonte aucun code erreur aux ingénieurs ! Ouf, si l’informatique dit que tout va bien, je suis sauvé non ? Sauf qu’avant de tomber en rade, la petite caisse avait les mêmes symptômes et on m’avait déjà dit, après une première analyse, qu’il n’y avait pas de code erreur remonté par l’informatique ! Dommage que l’ordinateur ne puisse tout simplement pas essayer la voiture (vivement la robotique !) car il suffit de tester l’engin pour s’en rendre compte.
Pourquoi déballer tout ça ? Parce que la marque qui vend le tacot est en cours de digitalisation et se positionne désormais en marque Premium, avec un site qui va bien (un peu lourd à charger parfois quand même) et les prix qui vont bien aussi. Premium quoi ! Mais, même si on est une marque réputée et chevronnée, il ne faut pas prendre les clients pour des ânes et essayer de les endormir avec des fables que même les plus belles déesses n’oseraient conter.
On peut digitaliser l’entreprise en le clamant haut et fort dans les médias, mais si les employés ne changent pas de mentalité on se retrouve avec des “freins” à tous les étages et surtout avec le bon vieux principe de Peter pleinement vérifié. Eh oui, comme j’ai eu un grand chef du SAV au tel… je confirme, le principe de Peter est une fois encore vérifié. Il est plus important pour ce “cher monsieur” (oui, on m’a donné beaucoup de cher monsieur ou cher client… mais ça c’est pour la forme, avant de finir par me dire que j’étais “exigeant” pour ne pas dire “chiant”, mais ça rime) d’être bien cramponné derrière ses process et ses indicateurs informatiques plutôt que d’écouter son client qui rapporte un dysfonctionnement (vérifié de surcroît par le garage qui répare le véhicule !). Les vieux réflexes des entreprises autocentrés sont toujours là. Il y a donc du chemin à faire pour que l’entreprise devienne “customer centric”, car cela ne relève pas d’un joli site web et de campagne marketing ! La route s’annonce longue.
Mon expérience utilisateur, le CX (deux lettres qui doivent pourtant faire tilt dans la tête de ce constructeur), est déplorable tant avec le véhicule (une bagnole toujours en panne c’est pas l’idéal) qu’avec l’entreprise (incapacité à régler les problèmes et qui fini par le déporter sur le client en laissant supposer que sa conduite n’est pas adaptée au véhicule !). Si Kafka était toujours des nôtres, il aurait fait un livre passionnant mais également hilarant avec mon aventure car je vous passe les nombreux détails totalement inutiles mais franchement savoureux.
Les process c’est bien, mais une décision “humaine” d’une personne qui “s’implique” et “assume” ses responsabilités (sans juste avoir le fauteuil) c’est vachement bien… surtout quand on est un particulier face à un mastodonte…
On ne le dira jamais assez : une entreprise peut se lancer corps et âme dans le digital, il est cependant une illusion de croire que la technologie va régler ses dysfonctionnements organisationnels et fournir le bon service à ses clients.
Donc, après avoir testé le SAV, je vais tester la digitalisation du service juridique :-)