A l’ère du digital, le Saas – ou « logiciel en tant que service » en bon français – a le vent en poupe. Jamais il n’a été aussi simple de développer une application web et de la commercialiser au travers de publicités dans les moteurs de recherche ou au travers des médias sociaux. Mais rien ne sert de griller son argent dans des choses inutiles… Ainsi, certains ont eu le bonheur d’économiser 30% du budget qu’ils avaient prévu de dépenser tout simplement parce qu’ils ont pris le temps d’en discuter. Ils ont alors saisi que l’esprit digital est gouverné par le business, le pragmatisme et donc le ROI.
L’histoire : j’ai récemment rencontré deux personnes qui ont décidées de créer une plateforme à partir d’un concept de vente plutôt novateur dans leur domaine. Les deux connaissent le métier depuis des années, et l’une d’elles a des connaissances et un peu d’expérience dans la communication et le marketing. Lors de l’échange, j’ai écouté pour comprendre le contexte et j’ai posé des questions, beaucoup, puis j’ai émis des objections sur leurs affirmations afin de les challenger. J’ai parcouru un des devis qu’ils avaient, celui qu’ils souhaitaient retenir, afin de mettre en évidence les points sur lesquels ils devaient être très vigilants.
Voici, parmi les différentes choses abordées, celles qui ont eu le plus d’impact sur la suite de leur projet.
Application « spécifique » ou module « standard »
Tous les devis qu’ils avaient fait établir proposaient un développement spécifique, du sur-mesure, certains à partir de technologies exotiques, d’autres sans qu’une quelconque précision sur le sujet ne soit donnée. C’était “normal”, puisqu’ils avaient exprimé un besoin “spécifique”. La démarche proposée était donc classique : recueil du besoin, formalisation d’un écrit avec listing des fonctionnalités à développer, itérations et validation, développement en mode “agile”, livraison, recette… C’est une démarche que l’on trouve dans les sociétés de services numériques (ESN) ou les agences de communication, la plupart étiquetées désormais « digital » pour être dans le mood.
Peut-on faire autrement ? oui !
A notre époque, une plateforme comme WordPress qui accueille environ 30% des sites web de la planète, possède quantité de plugins – gratuits ou payants – répondant à de nombreuses problématiques métier. Pourquoi ne pas investir un peu de son temps à chercher si ce que l’on veut faire n’existe pas déjà ? On doit certainement pouvoir trouver des choses qui s’en approchent. Et si on est un peu débrouillard, et qu’on pense avoir trouvé le plugin qui ferait l’affaire, pourquoi ne pas essayer tout simplement de monter sa plateforme pour découvrir comment ça marche ?
L’idée n’est pas faire l’apologie de WordPress, mais de faire comprendre qu’il est inutile et particulièrement risqué de faire développer tout un logiciel en spécifique – avec les risques de dérapages financiers que l’on connaît, les besoins variants au fur-et-à-mesure du projet – alors qu’on peut trouver facilement des modules, pour quelques poignées d’euros, qui peuvent déjà couvrir 80% du besoin exprimé.
Penser grand, démarrer petit, accélérer fort…
Le corolaire de cette approche avec un développement « spécifique », où l’on veut offrir toutes les fonctionnalités qui ont été imaginées dès le lancement du service, c’est qu’on va dépenser d’emblée beaucoup d’argent sans avoir la garantie que le concept va fonctionner. Bien entendu, on peut avoir une idée de génie et cela peut marcher du premier coup. Mais si ce n’était pas le cas ? Pourquoi ne pas démarrer avec un minimum de fonctionnalités, celles indispensables et offrant de la valeur immédiatement, afin de tester l’attraction du service proposé auprès de premiers prospects et/ou clients ?
En d’autres termes pourquoi, alors que l’application a été imaginée dans toutes ses possibilités, ne pas se définir un périmètre de démarrage réduit avec une ou deux roadmaps de développement dessinant les grandes étapes à suivre en fonction des retours de l’utilisation de la plateforme ?
C’est un bon moyen d’atténuer le risque, de valider son concept et, bien entendu, de réduire la facture à l’arrivée. Évidemment on pense alors qu’on risque de se faire piquer l’idée… mais une idée reste une idée et il n’y a qu’en la testant qu’on peut savoir si cela répond à un véritable besoin, ou pas. Au lieu d’imaginer qu’on va se la faire piquer, il vaut mieux imaginer ce qu’il faut tester pour être efficace et prendre de l’avance ;-)
Développer la culture du « test & learn »
Et nous voici arrivés dans la zone de « tests », plus précisément de « test & learn ». En effet, qui peut se targuer de connaître avec certitude l’attraction qu’aura une application Saas sur son marché ? D’ailleurs, « le » marché est-il celui qui a été imaginé initialement ? On constate que trop souvent ce marché à conquérir, dans l’imaginaire de certains entrepreneurs, n’est pas segmenté, et a fortiori pas priorisé. Car en parlant à tous, ils pensent qu’ils vont toucher les « bonnes » personnes… une erreur fatale dans le marketing.
Le « test & learn » vaut aussi bien pour connaître le niveau d’appropriation de la solution par ses utilisateurs que pour connaître la meilleure façon de la commercialiser. On ajoute ou on retire des fonctionnalités en fonction de leur utilité (ce qui sous-entend que l’application doit être traquée dans son utilisation quotidienne) et on travaille tous les jours, ou presque, les landing pages et les messages marketing pour trouver ce qui permet de convertir des clients avec le meilleur retour sur investissement.
En résumé, le marché n’attend rien – ou il n’a pas conscience d’une attente -, il faut aller le toucher avec les bons arguments. Il faut donc se faire connaître des early adopters, qu’il aura fallu clairement identifier, en leur envoyant les bons messages, c’est-à-dire une promesse claire, qui sera évidemment tenue (sinon c’est fermeture assurée), avec des bénéfices palpables pour les clients.
Conclusion
Rien ne sert de courir, il faut partir à point… avec les bons leviers d’action. Avoir l’idée d’un logiciel c’est bien, mais lui donner vie c’est encore autre chose, quelque chose qui peut devenir très vite un enfer. Alors autant partir du bon pied avant de se lancer.
Et les 30% d’économisés ? Eh bien, une bonne semaine après notre rencontre, j’ai eu un nouveau contact avec mes deux interlocuteurs. J’ai alors appris que le spécifique était abandonné au profil d’une plateforme WordPress (initialement un peu dénigrée par des “connaissances” dans l’informatique) avec un thème à 60 $ et des plugins gratuits. En complément, un développeur allait réaliser un peu de script… et le tout allait être mis en musique en moins de deux mois… afin de démarrer rapidement le « test & learn ». Changement d’approche, avec un esprit digital, et réalisation d’une économie de 30% du budget initial, soit la bagatelle de 15 K€… loin d’être une simple paille pour une petite structure qui se lance.